Appel à communication

 « Cancers, fatigues, corps, émotions et activités physiques adaptées et santés »

Quand les sciences humaines et sociales s’en mêlent !

Le 30 septembre 2021 en présentiel, pass sanitaire obligatoire

 

Dans les sociétés contemporaines, le diagnostic de cancer est désormais fréquent. Les risques et les mortalités associés sont variables en fonction des types de cancer et des caractéristiques mêmes des personnes concernées et de leur contexte de vie (Ribassin- Majed et al., 2017). Les traitements ad hoc sont souvent décrits par les patients comme pénibles ; le sentiment de fatigue et d’épuisement inhabituel altère non seulement les capacités cognitives et fonctionnelles mais peut également dénaturer l’intégralité des conditions de vie. Ces traitements peuvent, en effet, obérer la capacité d’action et empêcher les projets mettant ainsi à mal le sentiment de soi (Le Breton, 2017). Bien que cette fatigue – d’un type particulier ? – ou ces formes de fatigue puissent avoir différentes sources (Derzel, 2007), elles se traduisent par des effets identiques : réduction du niveau d’activité quotidienne, redéfinition des relations avec les autres, voire perte de sa propre souveraineté...

Placer le focus sur le sentiment de fatigue et « sa phénoménologie n’est pas un désaveu opposé à la médecine mais le rappel de ce qu’elle perd quand elle ne s’intéresse qu’aux indicateurs anatomo-physiologiques, à l’organisme, en oubliant de prendre en compte le sujet souffrant » (Le Breton, 2017, 20). La personne fatiguée est en proie à la perte de contrôle de ses relations familiales, amicales et professionnelles. D’une part, une altération du lien social peut conduire à l’isolement, voire à la désaffiliation (Castel, 1990) et ainsi nuire à la santé psychique et physique des individus (Cacioppo & Cacioppo, 2014). D’autre part, les conséquences sur les proches (conjoint, enfant, parent, ami, voisin...) notamment en contact avec la personne concernée sont essentielles à prendre en compte pour évaluer les capacités de résistance, individuelle mais aussi collective, face à la vie, plus ou moins prolongée avec un cancer. Ce lien entre perte de connectivité sociale et baisse de la qualité de vie a une nouvelle fois été mis en évidence à l’occasion d’une étude réalisée lors du confinement lié à la Covid-19 (Nitschke et al., 2020). C’est pourquoi, il nous paraît important de rassembler les connaissances en sciences humaines et sociales aujourd’hui dans la mesure où la philosophie et l’histoire de la fatigue précisent ses arcanes (Chrétien, 1996 ; 2019 ; Vigarello, 2020). La sociologie s’est davantage attelée, dans la lignée des réflexions d’Emmanuel Levinas à montrer la fatigue d’être soi-même (Ehrenberg, 1998 ; Le Breton, 2015). Mais également – et paradoxalement – l’activité physique est aujourd’hui plébiscitée comme un remède efficace à la fatigue liée au cancer (Perrin, 2019).

« Si les effets de l’exercice pouvaient être encapsulés dans une pilule, celle-ci serait prescrite à tous les patients atteints de cancer dans le monde entier et considérée comme une avancée majeure dans le traitement du cancer. Si nous avions une pilule appelée exercice, elle serait exigée par les patients atteints de cancer, prescrite par tous les cancérologues et subventionnée par le gouvernement » (Cormie, 2018)[1]Selon la directrice du groupe “exercice et cancer” de la COSA (Clinical Oncology Society of Australia), l’activité physique doit, assurément, être considérée comme un traitement essentiel en oncologie et être prescrite tout au long du parcours de soin des patients. Pour abonder dans ce sens, rappelons que, dun point de vue physiologique, les bienfaits de lactivité physique sont multiples et désormais reconnus (InCa, 2017 ; Inserm 2019). Elle potentialise lorganisme et évite les effets secondaires liés aux traitements, à l’instar de la Fatigue Liée au Cancer (FLC) (Bower, 2014). Si l’activité physique adaptée (APA) suscite un engouement dans la prise en charge en oncologie, il est toutefois nécessaire d’en discuter les « modalités opérationnelles dintégration dans le parcours de soin » (InCa, 2017, 7). À ce titre, les séances d’APA, loin, selon nous, de se résumer à un lieu de rééducation fonctionnelle, sont également loccasion, pour la patiente ou le patient, de reprendre en main ses relations sociales. Dans le cadre de ces séances, ils peuvent en effet parler sans fard et goûter à une sociabilité renouvelée (Héas et al., 2018). Là, et à l’instar de ce qui se joue dans les groupes d’alcooliques Anonymes (Pentecouteau & Zanna, 2013) ou encore dans les associations accueillant des personnes vivant avec le VIH (Duval et al., 2016) chacun peut s’observer « soi-même comme un autre » (Ricoeur, 1990). Là encore, au travers d’une compréhension mutuelle, cognitive et émotionnelle, accélérée par la mise en jeu des corps en mouvement, des relations réaménagées peuvent voir le jour. Le groupe ne constitue pas seulement un lieu de reconnaissance collective mais instaure également un temps de résonance émotionnelle (Rosa, 2018). Finalement tout se passe comme si, en situation de maladie la pratique collective remplissait une fonction essentielle ; elle exprimerait « l’âme collective » (Durkheim, 1912), ce sentiment d’appartenance nécessaire à la vie en société. Pareil à une coquille, l’espace des APA en se refermant sur lui-même permet d’inhiber temporairement le florilège de sensations désagréables liées à la maladie et ses traitements. Cet accompagnement mutuel entre « identités blessées » (Pollak, 1993) donne du sens à l’expérience et tempère le sentiment de fatigue inhérent au cancer. Ces réflexions et ces postures confirment, concrètement, une éthique de l’éducation, de l’empathie et du soin – par les corps en mouvement – au fondement de la relation à lautre (Zanna, 2015). 

Ainsi, les activités physiques adaptées, désormais reconnues comme thérapeutiques non médicamenteuses, peuvent participer à une vie moins altérée par le cancer. Les modalités mêmes de mise en œuvre de ces APA et la variété des contextes et des situations fournissent un laboratoire de connaissances sur les ressorts concrets d’adaptation et de reliance sociale (Bolle de Bal, 2003) de l’être humain. 

Cette journée vise à rassembler des patients et/ou de leurs représentants, des soignants, des professeurs d’APA, des chercheurs en sciences humaines et sociales travaillant sur les thématiques du corps, du sport et de la santé et plus largement toutes les personnes soucieuses de mieux comprendre les fatigues et plus encore les vies avec cancer aujourd’hui.


[1] Citation de son article publié le 6 mai 2018 sur le site The Conversation : « Every cancer patient should be prescribed exercise medicine ». https://theconversation.com/every-cancer-patient-should-be-prescribed-exercise-medicine-95440.

 

Références 

Bolle De Bal M. (2003). « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », Sociétés, De Boeck Supérieur, 80, 99-131.

Bower J.E. (2014). “Cancer-related fatigue mechanisms, risk factors, and treatments”, Nat Rev Clin Oncol, 11(10):597-609. doi:10.1038/nrclinonc.2014.127.

Cacioppo J.T. & Cacioppo S. (2014). “Social relationships and health: The toxic effects of perceived social isolation”, Social and Personality Psychology Compass, 8, 58-72.

Castel R. (1990). « Le roman de la désaffiliation. À propos de Tristan et Iseut », Le Débat, 4/61, 155-167.

Chrétien J.L. (2019). De la fatigue, Paris, Éditions de Minuit, 1ère ed. 1996.

Derzel M. (2007). « Fatigues et métamorphoses de l’image du corps chez les patients atteints de cancer : entre replis du corps et nécessaire travail de la dépression », Psycho-Oncologie, 1, 13-18.

Durkheim É. (1912). Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1998.

Duval E., Ferez S., Thomas J. & Schuft L. (2016). « “Devenir“ malade chronique par l’activité physique : le rôle des associations VIH ». Santé Publique, HS(S1). 89-100.

Ehrenberg A. (1998). La fatigue d’être soi. Dépression et société, Paris, Odile Jacob.

Héas S., Morillon A. & Kassabian A. (2018). « Recherche interventionnelle : "Précarité, activités physiques et sportives et santé" », Colloque international « Quel(s) dispositif(s) de promotion de la santé des enfants et jeunes en Tunisie pour 2030 : un état des lieux, des défis à relever et un projet pour une meilleure santé », 4 et 5 avril à Tunis.

InCa (2017). Bénéfices de l’activité physique pendant et après cancer des connaissances scientifiques aux repères pratiques, Synthèse, collection Etats des lieux et des connaissances, mars. 

Le Breton D. (2010). Expériences de la douleur, entre destruction et renaissance, Paris, Métailié.

Le Breton D. (2015). Disparaître de soi, Paris, Métailié.

Le Breton D. (2017). Tenir. Douleurs chroniques et réinvention de soin, Paris, Métailié.

Nitschke J., Forbes P.A.G., Ali N., Cutler J., Apps Matthew A.J., Lockwood Patricia L. & Lamm C. (2020). “Resilience During Uncertainty. Greater Social Connectedness During COVID-19 Lockdown is Associated with Reduced Distress and Fatigue”. PsyArXiv, 1-17. DOI:10.1111/bjhp.12485.

Pollak M. (1993). Lidentité blessée, Paris, Métailié.

Pentecouteau H. & Zanna O. (2013). Un anonyme alcoolique. Autobiographie d’une abstinence, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Perrin C. (2019). « Logiques et modalités d’intervention en activité physique auprès des malades chroniques : approches sociologiques » in Expertise collective Inserm : Activité Physique, prévention et traitement des maladies chroniques, Paris : Inserm, pp. 49-100.

Rapport Inserm. (2019). Expertise collective Inserm : Activité Physique, prévention et traitement des maladies chroniques, Paris : Inserm.

Ricœur P. (1990). Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil.

Ribassin-Majed L., Le Teuff G. & Hill C. (2017). « La fréquence des cancers en 2016 et leur évolution », Bull. Cancer, 104, 20-29, en ligne sur www.em-consulte.com/revue/bulcan ; www.sciencedirect.com .

Rosa H. (2018). Résonance : une sociologie de la relation au monde, La Découverte.

Vigarello G. (2020). Histoire de la fatigue. Du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil.

Zanna O. (2015). Le corps dans la relation à lautre : Pour une éducation à lempathie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

 

CONSIGNES AUX COMMUNICANTS 

Quatre formats de communication :

Les interventions, d’une durée de 20 minutes, prendront plusieurs formes :

- Témoignages des professionnels de l’APAS avec un focus sur leur rôle dans l’accompagnement des patients, leur collaboration avec le corps médical et les autres professionnels de santé, et la manière dont ils et elles prennent en compte la fatigue dans le cadre des séances proposées.

- Témoignages de patients et/ou de leurs représentants dans le cadre d'association ad hoc quant à la manière dont ils et elles vivent ou ont vécu les effets de la maladie sur leurs relations quotidiennes et la manière dont les séances d’APAS ont constitué une aide ou au contraire un désagrément.

- Communications scientifiques abordant les problématiques des APAS notamment à propos de l’accompagnement des patients., mais aussi concernant les dispositifs mis en place, la coordination entre les différents acteurs de la santé et les dynamiques observées sur tel ou tel territoire.

- Communications de médecins généralistes et oncologues au sujet de la prescription de l’activité physique dans le cadre des parcours de soins et des pratiques susceptibles d’améliorer la qualité de vie des patients.

 

Modalités de soumission :

Les communications seront présentées sous forme orale (20 minutes de présentation et 10 minutes de discussion). 

Les propositions de communications sont à soumettre sous la forme de résumés d’une page (2000 signes maximum) suivi de 5 mots clés à déposer en format PDF sur le site https://cancer-apa.sciencesconf.org avant le 5 juillet 2021 (pour déposer un résumé, vous devez avoir préalablement créé un compte "sciencesconf" et être connecté). 

 

Le résumé proposé doit être présenté de la manière suivante : 

-       Titre de la proposition.


-       Nom du ou des auteurs/auteures, qualité, laboratoire de rattachement, adresse.


-       Adresse(s) email de(s) l’auteur(s)

-       Résumé, 2000 signes maximum (Times, 12, justifié, interligne simple).


-       5 mots-clés. 

-       Format PDF

 

Calendrier :

-       Date limite de soumission des résumés : 5 juillet 2021

-       Avis du comité scientifique aux auteurs : 31 juillet 2021

-       Date limite d’envoi du texte intégral de la communication (30 000 à 50 000 signes) : 13 septembre 2021

-       Inscriptions : du 1 septembre 2021 au 23 septembre 2021, prolongé jusqu'au 26 septembre 2021

 

Renseignement et inscriptions :

Les inscriptions se feront sur le site dédié à l’issue des expertises du comité scientifique en début septembre 2021.

 

Contact : cancer-apa@univ-lemans.Fr

 

Responsables scientifiques :  

Omar ZANNA, Stéphane HÉAS & Abderrahmane RAHMANI

 

Comité scientifique :

ACETI Monica, Scientific Collaborator, Université de Bâle

BEAUNE Bruno, MCF, Le Mans Université

BOYAS Sébastien, MCF, Le Mans Université

COJOCARASU Oana, Cancérologue médical, Centre Hospitalier du Mans

DUGAS Éric, PU, Université de Bordeaux

DURAND Sylvain, MCF (HDR), Le Mans Université

ETIEMBLE Angélina, MCF, Le Mans Université

FORESTIER Cyril, MCF, Le Mans Université

HÉAS Stéphane, MCF (HDR), Université de Rennes 2

JACQUIN-COURTOIS Sophie, PU-PH, Hôpital Henry Gabrielle, Lyon

MARCELLINI Anne, PU, Université de Lausanne

MARTIN Tristan, MCF, Le Mans Université

MELCHIOR Jean-Philippe, MCF, Le Mans Université

MERCIER Cendrine, MCF, INSPE, Académie de Nantes

PEREZ Mélanie, MCF, Le Mans Université

PEYROT Nicolas, PU, Le Mans Université

RAHMANI Abderrahmane, PU, Le Mans Université

REBILLARD Amélie, PU, Université de Rennes 2 

ROSSETTI Yves, PH, PU, Centre de Recherche en Neuroscience, Lyon

SCHUFT Laura, MCF, Université Côte d’Azur

THOMAS-OLLIVIER Véronique, MCF, Université de Nantes

VIEILLE MARCHISET Gilles, PU, Université de Strasbourg

ZANNA Omar, PU, Le Mans Université

 

Comité d’organisation :

BEAUNE Bruno, MCF, Le Mans Université

BOYAS Sébastien, MCF, Le Mans Université

ETIEMBLE Angélina, MCF, Le Mans Université

FORESTIER Cyril, MCF, Le Mans Université

HÉAS Stéphane, MCF (HDR), Université de Rennes 2

LARBI Noémie, Doctorante, Le Mans Université

MANSALIER Marie, Chargée de gestion de projet, Le Mans Université

MARTIN Tristan, MCF, Le Mans Université

MERCIER Cendrine, MCF, INSPE, Académie de Nantes

PEREZ Mélanie, MCF, Le Mans Université 

PEYROT Nicolas, PU, Le Mans Université

RAHMANI Abderrahmane, PU, Le Mans Université

POUPARD Victor, Doctorant, Le Mans Université

VILLARET Sylvain, MCF, Le Mans Université

ZANNA Omar, PU, Le Mans Université

 

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